Pourquoi n’arrive-t-on pas à décrocher des écrans (et comment y parvenir enfin)
Cette année, sur ma liste de résolution, entre mon envie de boire de l’eau et celle de découvrir ma ville, il avait cette petite ligne, plus formelle, plus sérieuse, qui s’est nichée là : “Sortir de l’addiction aux écrans”.
Cela fait déjà pourtant plus de 6 mois que j’ai compté - ou plutôt, que mon téléphone l’a fait pour moi. 6 mois que le constat est tombé, sans appel : je passe près 15 heures par jour devant un écran. En fait c’est la quasi-totalité de mon temps éveillée. Entre mon travail sur ordinateur, les messages, les mails, les réseaux sociaux, les séries pour m’endormir sans angoisser, et ce réflexe absurde de scroller sans but… Mes journées sont bleues, elles ont la couleur des écrans.
Le plus fou, c’est qu’une vie passée derrière les écrans ne se questionne même plus. Ce n’est pas un choix, c’est un état de fait. On enchaîne les visios, on répond aux notifications, on laisse tourner une vidéo “juste pour faire une présence”, puis une autre, et encore une autre. Nos journées sont rythmées par le digital, à tel point que l’idée même de s’en détacher semble aussi compliquée qu’illogique.
Et pourtant, j’ai essayé. Plusieurs fois. J’ai désactivé les notifications, supprimé ou limité certaines applications, acheté des livres... Chaque fois, j’ai tenu deux jours. Trois, quand j’étais motivée. Puis le naturel est revenu. Parce que ce n’est pas qu’une question de volonté.
On sait tous que l’on passe trop de temps sur nos écrans. On sait que ça fatigue, que ça perturbe le sommeil, qu’on se sent plus dispersé, plus nerveux. Et pourtant, on continue. Pourquoi ? Parce que la vraie question n’est pas "comment arrêter ?", mais "pourquoi est-ce si difficile ?".
On sait que les écrans nous fatiguent, mais on continue quand même. Pourquoi ?
On ne peut plus dire qu’on manque d’informations sur le sujet. On sait que les écrans perturbent le sommeil, fragmentent l’attention, nourrissent l’anxiété. On sait que scroller TikTok ou Instagram au lit est une mauvaise idée, que regarder des vidéos sur YouTube jusqu’à minuit nous laissera fatigués le lendemain, que répondre aux messages en permanence nous empêche de nous concentrer. Et pourtant, on le fait quand même. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas juste une mauvaise habitude. C’est un système verrouillé à plusieurs niveaux.
Parce que nos journées sont construites autour des écrans
On ne peut pas “décrocher” si tout dans notre quotidien passe par un écran. Si on l’utilise pas seulement comme un outil, et s’il est devenu le centre de gravité de nos vies.
Le travail ? Devant un ordinateur.
Les relations sociales ? WhatsApp, Instagram, messages vocaux.
Le divertissement ? Séries, vidéos, réseaux sociaux.
La détente ? Scroller sur son téléphone “pour se vider la tête”.
Le problème, c’est que quand tout notre quotidien passe par un écran, l’idée de “réduire les écrans” devient floue. Ce n’est pas comme arrêter une mauvaise habitude isolée, comme fumer ou grignoter. Ici, il n’y a pas de “trou” à combler, parce que les écrans remplissent déjà tous les espaces : travailler, se divertir, échanger avec ses proches, se détendre… Tout passe par eux.
C’est comme dire à quelqu’un qui mange exclusivement des plats préparés qu’il doit “cuisiner plus”. D’accord, mais cuisiner quoi ? Comment ? Avec quel temps, quelles compétences, quelle motivation ? Si on ne lui donne pas une alternative concrète, il risque juste de continuer à faire comme avant.
👉 Réduire les écrans demande donc de recréer un quotidien où ils ne sont plus indispensables. Parce que sinon, on finit toujours par y revenir, faute de mieux.
Parce que les écrans ne sont pas qu’un passe-temps, ils sont une béquille
Si on passait notre temps sur les écrans juste parce que c’était fun, il suffirait d’un peu de discipline pour décrocher. Mais ce n’est pas le cas. Les écrans remplissent des besoins psychologiques profonds.
Ils sont :
Une béquille anti-stress : on scrolle quand on est fatigué, quand on est anxieux, quand on ne veut pas affronter un moment inconfortable.
Un automatisme : on ne va pas sur Instagram par envie, mais par réflexe. Notre main ouvre l’application avant même qu’on ait décidé de le faire.
Une fausse “récompense” : après une grosse journée, on “se détend” devant Netflix ou TikTok. Sauf que notre cerveau reste en mode consommation passive, et que la fatigue ne disparaît pas.
Derrière chaque usage excessif des écrans, il y a une fonction cachée. On ne reste pas scotché à son téléphone juste parce qu’on est accro aux pixels. On y va pour éviter un inconfort, remplir un vide, se sentir connecté à quelque chose.
👉 Tant qu’on ne remplace pas ce que nous apportent les écrans, on ne peut pas juste “arrêter”.
Parce que tout est pensé pour nous garder accrochés
Les écrans sont des produits conçus pour capter notre attention.
Les réseaux sociaux fonctionnent comme des machines à sous. On scrolle pour voir un post, puis un autre, puis encore un. On ne décide pas d’arrêter, on s’arrête quand on est exténué.
Les notifications, elles, agissent comme des micro-récompenses. Chaque message, chaque like libère une mini-dose de dopamine, la molécule du plaisir et de la récompense. On les reçoit en continu, donc on revient toujours chercher la prochaine dose.
Le FOMO (Fear of Missing Out) a évidemment son rôle à jouer : et si une info importante tombait ? Et si quelqu’un nous écrivait ? L’angoisse de manquer quelque chose nous pousse à rester connectés, même sans raison valable.
👉 Le problème, ce n’est pas notre manque de volonté. C’est qu’on joue contre un système qui a tout intérêt à nous garder accros.
La vraie raison pour laquelle on n’arrive pas à décrocher
Au fond, on sait tous que passer des heures devant un écran ne nous rend pas heureux. On sent bien la fatigue mentale, la sensation de “trop plein”, l’irritabilité. On se dit qu’on devrait faire autre chose, on regrette souvent après coup. Mais quand on essaie d’arrêter, on se heurte à un mur.
Pourquoi ? Parce qu’on ne peut pas juste enlever les écrans de notre quotidien. On doit d’abord comprendre pourquoi on y va, ce qu’ils comblent chez nous, et comment offrir une alternative qui fonctionne.
C’est là qu’il faut être malin. Il ne s’agit pas de supprimer brutalement, mais de contourner intelligemment le piège.
Comment reprendre le contrôle (sans tout plaquer)
Si décrocher des écrans était une question de volonté, on l’aurait déjà fait. Mais la motivation seule ne suffit pas. On ne peut pas juste “décider de moins les utiliser”. Il faut un plan. L’idée n’est pas d’imposer une discipline stricte ou de rêver à une vie hors-ligne fantasmée. Il s’agit de reprendre la main, de rendre les écrans optionnels, et non plus automatiques.
💡 Pour ça, trois règles d’or (que j’ai décidé de m’imposer) :
Ne pas compter sur sa volonté.
Rendre l’alternative plus facile que l’écran.
Réduire, mais intelligemment. Pas de radicalité.
1. Mettre en place un obstacle minimal (mais efficace)
Le plus gros problème des écrans, c’est qu’on ne réfléchit même plus avant de les utiliser. Notre main ouvre Instagram ou TikTok avant même qu’on ait décidé de le faire.
🎯 Objectif n°1 : Ralentir ce réflexe en ajoutant une mini-friction.
Comment ?
Passer son écran en noir et blanc → C’est tout bête, mais ça enlève une partie du plaisir visuel qui nous garde accrochés.
Supprimer les raccourcis des applications chronophages → Si Instagram ou YouTube ne sont plus sur l’écran d’accueil, on y va déjà beaucoup moins.
Créer de la difficulté → Avec l’app *One Sec* (oui, une de plus…), par exemple, qui demande : "Es-tu sûr(e) de vouloir ouvrir cette application ?" Juste assez pour nous faire hésiter.
Pourquoi (j’espère que) ça marche ? Parce que ce n’est pas l’écran qui est un problème, c’est l’usage automatique. Si on doit faire un petit effort pour y accéder, on réalise que souvent, on n’en a même pas envie.
2. Ne pas supprimer, mais remplacer intelligemment
La vraie question n’est pas “comment arrêter les écrans ?” mais “par quoi je les remplace ?”
🎯 Objectif n°2 : Reprendre le contrôle de son attention en détournant l'envie d’écran vers une alternative tout aussi accessible.
Le scroll du soir. Au lieu de TikTok ou YouTube, tester un podcast ou un livre audio. Même stimulation, mais sans l’effet de “zapping” infini.
Les pauses au travail. Plutôt que d’ouvrir son téléphone par réflexe, tester une pause active : marcher un peu, boire un verre d’eau, écouter une chanson, écrire une note.
Les moments creux (attente, transport). Avoir un plan B : un carnet pour noter ses idées, un livre léger, une playlist.
Pourquoi (j’espère que) ça marche ? Parce que l’écran nous attire surtout quand on ne sait pas quoi faire d’autre. Si l’alternative est prête et accessible, on y va naturellement.
3. Couper là où ça a un vrai impact
Nos usages sont les plus compulsifs le matin et le soir, là où on est fatigué, moins rationnel, et plus réceptif à la gratification immédiate des écrans.
🎯 Objectif n°3 : Casser ces deux moments où l’écran a le plus d’emprise sur le cerveau.
1️⃣ Écran interdit dans la première et la dernière heure de la journée.
Pourquoi ? Parce que c’est là que l’impact est le plus fort sur le cerveau et le sommeil.
Comment ? Mettre le téléphone dans une autre pièce la nuit. Acheter un réveil classique.
2️⃣ Éviter le “scroll pré-dodo”.
Pourquoi ? Parce que c’est là qu’on tombe dans le piège du “5 minutes” qui se transforment en une heure.
Comment ? Se poser une seule question avant d’ouvrir une application : “Est-ce que j’ai vraiment envie d’être ici ?”. Juste assez pour casser l’impulsion.
Pourquoi (j’espère que) ça marche ? Parce que ce sont les deux moments où notre cerveau est le plus vulnérable aux écrans.
4. Ne plus se faire happer (et ne pas culpabiliser si ça arrive)
Même avec les meilleurs plans du monde, on va tous replonger de temps en temps. Et c’est normal. L’objectif n’est pas d’être parfait, mais de ne plus se laisser happer sans s’en rendre compte.
Quelques pistes :
Fixer une intention avant d’ouvrir un écran. Pourquoi l’allume-t-on ? Pour répondre à un message ? Regarder une vidéo précise ? Si la réponse est “juste voir ce qu’il y a”, on referme.
Accepter l’ennui. Au lieu de chercher à occuper chaque blanc, tester des micro-pauses “vides”. Juste regarder par la fenêtre, sans rien faire. C’est inconfortable au début, mais c’est exactement ce dont notre cerveau a besoin.
Se poser la bonne question : “À qui profite mon temps d’écran ?” À moi, ou aux plateformes qui veulent me garder captif ?
Le vrai défi : réapprendre à ne rien faire
Ce n’est pas tant la présence des écrans qui pose problème, mais l’absence totale de moments sans stimulation. On ne sait plus être seuls avec nous-mêmes.
Un défi simple pour tester son rapport aux écrans :
Cinq minutes par jour sans téléphone, sans musique, sans distraction. Juste être là, sans rien faire.
Observer combien de temps avant que l’envie de "vérifier un truc" arrive.
Pourquoi c’est important ? Parce qu’en réalité, ce n’est pas des écrans dont on est accro. C’est à l’évitement de l’ennui, du silence, du vide. Et si la clé, c’était justement d’en recréer un peu, volontairement ?