Slow travel, slowmadisme : comment ces modes de vie nous incitent à ralentir
La technologie a rendu le voyage de plus en plus accessible et omniprésent. En contrepartie elle a aussi profondément impacté la façon dont on voyage et les destinations où l’on se rend. Comment repenser notre conception du voyage et se tourner vers un modèle nouveau, plus doux, plus lent ?
Tourisme : ce qu’Instagram ne vous dit pas
On ne peut nier que les réseaux sociaux, en particulier Instagram, ont changé la donne quand on parle de voyage. À tel point qu'Instagram est devenu un adjectif : “Instagrammable”, pour désigner tout ce qui est joli. Et qui n'aime pas ce qui est joli ? Moi la première je ne refuse jamais un brunch dans un café à la déco bien instagram-worthy - fauteuils en rotin, matcha latte et tout le tralala.
On ne va pas jeter la pierre à Instagram : la plateforme permet d’accéder à un véritable catalogue de voyages en ligne qui ne cesse de s'étendre. Mais il y a une autre réalité derrière tout ça : le FOMO, les itinéraires surchargés, les listes à cocher… Le voyage devient un concours dont personne ne sort vainqueur.
Business Insider partageait en 2017 une liste de destinations détruites par le tourisme. Parmi elles : Kyoto au Japon, la fontaine de Trevi à Rome, l’Islande, le marché aux fleurs d’Amsterdam, les îles Komodo en Indonésie, Venise, Dubrovnik…
Tulum, en particulier, est devenue l’eldorado des nomades digitaux du monde entier grâce à Instagram. La ville est au bord du désastre : sa population a augmenté de +65% en 10 ans, le coût de la vie a explosé - la rendant hors d’atteinte pour ses locaux - et les constructions des différents “eco- village” ont finalement empoisonné le précieux réseau d’eaux souterraines de la ville.
Autrefois célébrés, les backpackers et les digital nomads sont devenus les nouveaux parias : accusés d’être en “quête de jouissance démesurée”, d’être les “nouveaux conquistadors” qui prennent aux territoires et aux communautés locales sans rien leur laisser en retour.
Un autre modèle est-il possible ? Faut-il continuer sur cette voie, ou envisager sérieusement l'impact de nos aventures non seulement sur nous-mêmes mais aussi sur la planète ? Si vous avez envie d'une expérience plus authentique, qui vous donne le sentiment d'avoir vraiment appris à connaître les lieux, les gens et les cultures que vous avez rencontrés, tout en limitant l’impact de votre voyage sur l’environnement, alors une autre voie existe : celle du le slow travel.
“Slow travel”, “Slowmadisme” : ça veut dire quoi ?
Tout part d’un autre mouvement qui nous vient d’Italie à la fin des années 80 : la “slow food”. Il visait à préserver la cuisine régionale, l'agriculture locale et les méthodes de cuisson traditionnelles par l'éducation des touristes et des résidents locaux. Il s’est créé en réaction à l’augmentation du tourisme, qui avait provoqué l’arrivée dans les grandes villes de chaînes de restaurants - réduisant les bénéfices des établissements familiaux. Le mouvement slow food s'est efforcé de ramener le commerce dans les restaurants traditionnels en vantant les avantages de l'utilisation d'ingrédients d'origine régionale et la stimulation des économies locales.
Le slow travel a repris les mêmes préceptes en l’adaptant au voyage. Il consiste à inciter les touristes à prendre du recul par rapport à leur conception du voyage, et à profiter tout simplement de ce que la communauté locale a à offrir, en mettant l'accent sur la connexion :
avec les populations locales,
les cultures,
et la nourriture.
Il repose sur l'idée qu'un voyage est destiné à éduquer et à avoir un impact émotionnel, dans le moment présent et pour l'avenir, tout en restant durable pour les communautés locales et l'environnement.
De slow travel est né un nouveau terme et mouvement : le slowmadisme. Il concerne cette fois-ci les nomades digitaux (et plus les simples vacanciers), qui sont capables de créer une routine locale et non-répliquable d’un pays à l’autre. Pour cela, il faut être capable de s’éloigner des guides de voyage (et d’Instagram) pour créer sa propre expérience sur place.
Pourquoi passer au slowmadisme
Deux avantages clés :
1 - Compenser la fatigue du voyage et vous immerger totalement dans vos expériences
Petite anecdote personnelle : Quand j’ai commencé ma vie nomade, j’avais une liste longue comme le bras de destinations où je voulais à tout prix aller et un FOMO énorme qui me poussait à en “cocher” le plus possible le plus rapidement possible. Comme si je n’avais pas toute la vie devant moi, en fait ? Je suis rapidement tombée de mon nuage dès la première destination, où je comptais rester un mois et demi (ce qui me paraissait déjà énorme). Changer de lieu de vie - qui plus est dans un nouveau pays - a énormément impacté mon état émotionnel, mon équilibre, et par ricochet ma productivité.
En restant plus longtemps sur place (de 3 à 6 mois), vous pouvez prendre le temps créer des routines et retrouver un sentiment de stabilité. Il vous sera facile de créer des habitudes qui optimiseront votre productivité, qu'il s'agisse de courir le matin, de faire du yoga le soir, de vous rendre dans un coworking chaque après-midi ou même de solder chacune de vos journées par une petite balade.
Le slow travel est la seule manière selon moi de pouvoir retrouver un semblant d’équilibre entre stabilité et liberté.
D’autant que rester plus longtemps dans un même lieu vous donne aussi l'occasion d'apprendre à connaître votre environnement, de vous immerger dans la culture locale et de vous faire des amis - voire d’apprendre une nouvelle langue.
2- Limiter l’impact environnemental de ses déplacements
Le slow travel implique de prendre le temps de voyager : et donc d’espacer et limiter les déplacements “lourds” en avion. Dès lors qu’on prend le temps de voyager, alors on peut se permettre d’utiliser des moyens de transport plus doux et plus profitables à l’économie locale. En choisissant les transports en commun ou encore mieux, la marche, le vélo ou le bateau, on considère que le déplacement fait partie intégrante du voyage et qu’il doit être apprécié autant, sinon plus, que la destination finale en soi.
Quelques principes faciles à mettre en place pour voyager en mode “slow”
Privilégier les modes de transport doux : train, bus, vélo, marche, bateau (à voile) et les déplacements de longue durée.
Préférer voyager en petit groupe : seul de préférence, et 4 maximum, pour tisser des liens avec la population locale.
Sortir des guides de voyage / Instagram : et se rendre dans des lieux moins fréquentés pour ne pas surcharger les infrastructures locales.
Partager ses logement : avec des locaux, ou à défaut en coliving.
Créer sa routine sur place : en l’adaptant au rythme du pays où vous vous trouvez.
Privilégier une alimentation locale : et limiter les chaînes ou les marques importées / internationales.
Mettre en place des gestes simples : comme voyager avec sa gourde (et de quoi purifier l’eau si besoin) et un sac réutilisable, ou encore faire ses courses au marché plutôt qu’en grande surface.. Chaque geste compte.
Chercher à réellement comprendre les coutumes du pays ou vous êtes et s’y adapter.