Repenser la productivité : l'importance de ralentir pour mieux avancer
Dans le monde du travail, la rapidité et l'efficacité sont des vertus cardinales. On glorifie le fait de s'avoir “naviguer dans le chaos”, et bien souvent, on y apprend que notre valeur repose sur notre capacité à maximiser le travail accompli dans un temps minimal. Résultat : nous nous imposons un rythme de vie effréné et une pression constante pour aller toujours plus vite. Et bien sûr, nous apprenons à maîtriser l’art de la productivité : compartimenter, trier, prioriser, organiser, et à compresser toujours plus de tâches dans des journées qui semblent toujours trop courtes.
La productivité, toutefois, se révèle être un concept à double tranchant. Comparable à un régime prometteur mais potentiellement toxique, elle vend une image séduisante de contrôle et d'efficacité accessibles par de simples ajustements dans nos routines quotidiennes. Ce fantasme de contrôle peut rapidement devenir une obsession, source de fierté lorsqu'on atteint ses objectifs, mais aussi de misère face aux échecs. Dans cet environnement, l'idée de ralentir est souvent perçue comme un signe de faiblesse, voire un échec. Pourtant, l’approche, qui consiste à aller plus vite, à travailler plus et plus dur, repose sur une hypothèse erronée : la durée, la rapidité et l'intensité de votre travail ne produiront pas nécessairement des résultats équivalents au travail fourni.
Les limites à la productivité dite “traditionnelle”
Les trois principales :
1) Les contraintes humaines : au-delà de la machine
L’humain n’est pas fait pour travailler (tout le temps)
Posez-vous les questions suivantes :
Suis-je productif·ve lorsque je suis épuisé·e ?
Suis-je créatif·ve et inspiré·e lorsque je manque d'énergie ?
Est-ce que je prends de bonnes décisions quand je suis fatigué·e ?
Est-ce que je tolère les désagréments de ma journée lorsque je suis épuisé·e ?
L'idée que les employés peuvent fonctionner comme des machines, sans pause ni repos, est profondément ancrée dans de nombreux milieux professionnels. Cependant, cette vision ignore les besoins fondamentaux de l'être humain pour un équilibre entre travail et vie personnelle. Le corps humain n'est pas conçu pour des sprints continus sans répit. Il requiert des périodes de récupération pour maintenir une performance optimale à long terme. Ignorer ces besoins peut conduire à l'épuisement professionnel, à une baisse de la créativité et à une diminution de la qualité du travail.
2) Augmentation des erreurs : la vitesse contre la précision
Lorsque la rapidité est privilégiée au détriment de la minutie, le risque d'erreur augmente exponentiellement. Aller trop vite trop longtemps sans faire de pause c’est prendre le risque :
De ne pas anticiper et de manquer de ressources pendant des périodes importantes
D’oublier de signer des contrats, de se laisser submerger par l’administratif
De ne pas prendre le temps de documenter votre business et vos avancées
De poursuivre trop longtemps une idée qui ne fonctionne pas et qui n’est pas rentable.
De devoir recommencer certaines tâches parce qu’on a commis des erreurs ou qu’on a mal communiqué.
3) Coûts d'opportunité : ce que nous sacrifiions
Travailler à une vitesse vertigineuse peut amener à passer à côté d'opportunités stratégiques plus rentables. L'obsession de la rapidité et du volume de travail empêche souvent une réflexion stratégique nécessaire pour évaluer l'efficacité des méthodes employées et pour innover.
De plus, ce rythme peut limiter la capacité à réfléchir à long terme, entravant l'innovation et la réceptivité aux nouvelles idées qui pourraient se révéler plus avantageuses. Le coût d'opportunité inclut également le manque à gagner issu de la non-exploration de nouvelles idées ou de l'incapacité à rectifier le cap avant qu'une crise ne se matérialise.
Le coût de l'opportunité est aussi constitué de toutes les choses que l’on rate parce qu’on est trop occupé par le travail. Tout ce à quoi on a dit non, toutes les opportunités que l’on a manquées.
L’importance des périodes de ralentissement
L’idée est simple : alterner entre des phases de travail, d’expérimentation, de dépassement et du temps pour ralentir, se reposer, se réinitialiser et réfléchir. Pendant cette seconde phase on peut :
1) Du temps pour renforcer ses fondations
Les périodes de ralentissement peuvent nous permettre d’être le plus intentionnel, plus réfléchi et plus stratégique quant à la meilleure voie à suivre pour la suite.
On peut en profiter pour :
Créer du lien avec les gens qui nous entourent
Planifier la suite, et écarter les risques potentiels
Régler les petits problèmes avant qu'ils ne s'aggravent
Créer de la documentation pour faciliter le travail et les décisions ultérieurs.
2) Du temps pour réfléchir et évaluer
Lorsqu’on ralentit, on est plus en mesure de réfléchir à ce qu’on a fait et de l'évaluer.
Prenez le temps de vous poser des questions :
Qu'est-ce qui va bien ?
Qu'est-ce qui est difficile ou ne fonctionne pas ?
Que pouvez-vous faire différemment à l'avenir ?
Faites le bilan des actions menées pendant votre phase d’accélération pour voir ce qui a bien fonctionné (et doit perdurer) et ce qui a moins bien fonctionné (et doit être amélioré).
3) Du temps pour se préparer à l’inattendu
Quelqu’un qui tombe malade, une tâche non planifiée qui vient s’ajouter, un bug.. La vie est faite d’incertitudes. Si on vit déjà à 100% de ses capacités tout le temps, on est incapable de pouvoir faire face à un imprévu.
On ne peut pas tout prévoir, mais on peut s’assurer de disposer de la souplesse nécessaire pour s’adapter en cas d’imprévu.
Par exemple :
Laisser de la place dans son calendrier chaque semaine pour les tâches et les réunions non planifiées.
Prévoir une ou deux semaines supplémentaires dans son emploi du temps pour un projet important, au cas où il nécessiterait plus de temps.
Bloquer du temps après un projet important ou un événement de la vie que vous savez être épuisant, afin d'avoir le temps de récupérer.
Gardez toujours en tête que lorsque vous vous donnez le temps et l'espace nécessaires pour laisser les choses se décanter et respirer, vous vous préparez à tout ce qui va suivre.